mardi 15 septembre 2009

Correspondance avec deux T

" Mon cher M.,

Je ne vous l'ai pas encore dit, mais je suis heureuse que votre prénom prenne deux t. Je n'aurai pas aimé vous identifier à des douleurs passées.


Pensez-vous qu'on puisse me ranger dans une boite ? Je crois plutôt qu'il faudrait me mettre dans une multitude de petites boites puis les faire s'emboîter comme ces puzzles que vous aimez. Et comme vous, bien que d'apparence moins "étrange", je suis forcément égocentrique pour vivre ce que je veux, comme je le veux, en l'assumant, voire peut-être en le revendiquant un peu. Mais une boite mon ami, une boite dans laquelle me glisser, me classifier, je crains qu'il n'en existe point. Les boites vous font peur. Nous partageons également cette phobie.

C'est pourquoi j'ai du mal à cerner de quel monde vous parlez quand vous m'écrivez : "Ouvrez-moi votre monde". Je vous ouvrirai toutes les portes que vous souhaitez, si j'en ai la clé. Je suis une tête de mule, je suis parfois "soupe au lait". Il m'arrive d'être d'un accès difficile quand je suis "ailleurs" ou contrariée. Mais ce genre d'attitudes désagréables n'arrivent que de façon accidentelle et éphémère. La plupart du temps, je suis accueillante et ouverte, je prends des gants de douceur et de délicatesse infinies, et ma sincérité parfois rude est d'une bienveillance absolue. S'il y a bien une qualité dont je puis vous assurer, c'est ma générosité.


Je suis donc évidement disposée à vous montrer toutes les voies que j'ai pu suivre et que vous n'avez pas empruntées, mais il faudra à votre tour que vous me guidiez pour que je comprenne quelles voies vous voulez défricher.


Pour vous, ma "différence" ne fait aucun doute et j'aime que vous le pensiez. Mais la différence, pour qu'elle soit positive, ne doit pas être cultivée. Elle tombe sinon dans un anti-conformisme outré auquel je n'adhère pas car il me fait rigoler. Comme vous le dites en parlant de ce que vous connaissez, cette différence, il faut juste la vivre et l'accepter, sans même y penser. Elle nous enrichit, nous renforce et c'est aussi elle qui nous fait aujourd'hui nous croiser.


Je ne sais pas si on me voit comme un être "étrange" dont il faut se méfier. Je ne crois pas. Ou alors je suis trop aveugle pour l'identifier, c'est une possibilité.
En revanche, vous avez raison, je suis une source de ralliement, que ce soit pour ou contre moi. Mon franc-parler, mon humour un peu caustique et surtout mon ironie que vous avez déjà notée, mes prises de positions parfois trop tranchées, ma sensibilité extrême recouverte de poil à gratter, font qu'on adhère à ce que je suis ou au contraire qu'on prend peur et qu'on cherche à me faire tomber. Je vis avec. J'en souffre parfois. Je m'en amuse souvent.

A vous qui m'avez confié vos blessures du week-end, je vais vous faire part de la mienne, la dernière.


Depuis deux jours, je dois répondre à un mail. Celui d'un ami qui en est venu à me reprocher ce que je suis, parce que je l'ai, sans le savoir et sans le vouloir, blessé et vexé. Je m'en suis excusée, lui ai demandé de pardonner ma façon d'être, mon manque d'intelligence relationnelle. J'ai reçu en retour cette simple question : "Bon, et bien que fait-on ?". Je suis perdue, je ne sais pas répondre à ça ! Pourquoi me demande-t-on une solution, d'ouvrir une porte que je n'ai jamais fermée ? Pourquoi me demande-t-on de décider alors que je ne peux que suivre une volonté ? Je ne sais pas réagir à cette pression. Pourtant, je vis, supporte, gère des pressions de toutes sortes, mais celle-là, je ne sais pas comment la lever. Il me manque des clés...


Je crois que j'attends désormais avec impatience ce dîner de mercredi pour enfin mettre une voix sur tous les mots que nous nous sommes dits.


Je crois que j'attends désormais avec impatience ce dîner pour enfin sentir ma chair frissonner sous votre griffe d'acier.

Je vous embrasse, où vous savez.
"


8 commentaires:

Noemeye a dit…

je ne poste pas forcément de commentaires mais je lis toujours assidûment tes billets (mais tu dois le savoir, c'est de la triche les statistiques quand on est seule sur une île). je n'écris donc pas vraiment en lien avec celui d'aujourd'hui mais juste pour te redire bravo. et merci.
voilà. c'est fait. =)
N.

Bougrenette a dit…

Les correspondances ont ce coté troublant, intime, on s'y glisse, un rien voyeur, sans oser en dire quoi que ce soit, sans en connaître les détails, on se laisse juste porter. Je t'embrasse

philachev a dit…

ha, P_O_L s'est remise à écrire!
une écriture un peu spéciale, mais l'important est de retrouver l'inspiration...
à la question "et maintenant qu'est ce qu'on fait" et bien la réponse peut-être toute simple: "ce que tu veux!", ce qui reviendra probablement à fermer une porte... ou plus enthousiaste "on oublie et on reprend nos échanges comme si rien ne s'était passé" qui est un tantinet hypocrite mais donne à l'autre la possibilité de renouer le dialogue...

Multi-sourires a dit…

Un ami a le droit de signifier sa peine
son chagrin, sa surprise, sa haine
son soutien, son plaisir, son bonheur
son amour et le fait qu'on soit dans son coeur

Un ami ne dit pas "et maintenant que fait-on"
Il y a eu information et en retour pardon
Si il en est à se poser cette question
ce n'est pas un ami mais une relation

VéroPapillon a dit…

Alors... "griffe d'acier" ??? Toujours en vie ??!!!
Bises de papillon

502 a dit…

Mais nous, on ne sait pas où vous l'embrassez.
et on veut savoir !!!

Dana a dit…

Dis, princesse, avec ton "étrangeté", ne te dit-on pas souvent " Chut, tais-toi" ou " Tu es naïve"? J'ai tant de fois entendu ces phrases dans ma vie que j'ai l'impression de ne pas être de ce monde.
Tu nous raconteras l'effet de la voix ce mercredi-là ?
Belle, si belle écriture, et tellement sensée.

les nuages bavards a dit…

@ Noemeye
C'est moi qui te dis merci de passer souvent me "voir". J'adore quand je vois s'afficher ton petit point si loin :)

@ Bougrenette
Je pourrai en remplir un blog de correspondances ! Des belles, des moches, des drôles, des connes, des longues, des courtes, y en a de toutes sortes. Certaines sont importantes et resteront un moment particulier de ma vie. Le mail a remplacé la diligence, le pixel, la page blanche mais je pense qu'on écrit bien plus aujourd'hui qu'il y a quelques décennies.

@ Philachev
Ouais, quelque chose entre les deux, je pense. Ce n'est pas à moi de choisir pour le coup, il me semble.

@ Multi-sourires
Tu m'impressionnes. Comment fais-tu pour que toujours tes mots sonnent ? ;-)

@ Véro
Comme tu le vois, oui ! ;-)

@ 502
C'est un secret... et même à vous, je ne dirai pas tout.

@ Dana
Ah, en général on ne me dit ni l'un, ni l'autre.
Je crois qu'on n'ose pas, même si parfois on le pense :D
J'ai raconté un peu dans le post d'hier, l'effet de cette voix finalement si douce... J'ai sans doute eu peur que mon carrosse se transforme en citrouille, j'ai ramassé ma pantoufle de vair et me suis enfuie aux douze coups de minuit. Et en plus, c'est pas des conneries ! :D

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